SUR LES ÉPAULES DE PETERSON : LE RÉMI BOLDUC JAZZ ENSEMBLE

Le Rémi Bolduc Jazz Ensemble nous a offert, un an après son dernier concert à la salle Bourgie, ses propres arrangements sur les compositions du célèbre pianiste montréalais : Oscar Peterson.

Loin d’une simple imitation, Rémi Bolduc et son saxophone, accompagné cette fois-ci de Fraser Hollins à la contrebasse, Dave Laing à la batterie et Taurey Butler, pianiste invité pour l’occasion, ont fait vivre pour la troisième fois la musique d’un grand homme que nous n’avons plus la chance de pouvoir entendre jouer.

Une transformation,, ou peut être plus exactement une libération : Rémi Bolduc n’a repris ce soir ni la partition d’un saxophoniste (Charlie Parker), ni celle d’un instrument accompagné par un saxophone (Dave Brubeck), mais bien celle d’un pianiste sans l’ombre d’un son de cuivre dans les interprétations initiales.

En effet, Oscar Peterson, bien qu’ayant amorcé son apprentissage musical par la trompette, a rapidement consacré sa vie et le travail de ses journées au piano. Ce pianiste et compositeur particulièrement apprécié pour sa gestion du rythme, ainsi que pour la vitesse et la justesse de son jeu, est aujourd’hui défini pour certains comme « le meilleur pianiste de Jazz au monde ». Il a dans tout les cas grandement contribué au renom du Jazz canadien, et cela bien au-delà du continent.

Rémi Bolduc et son ensemble furent, largement à la hauteur de la description du jeu du pianiste par les critiques.

Heureux de jouer dans cette magnifique salle, le public a eu la chance de découvrir, en plus de leur interprétation musicale, la sincérité des sourires sur les lèvres des musiciens, si joliment accompagnés par le plaisir et la concentration qui se sont mêlés dans chacun de leurs regards. Les quatre musiciens nous ont interprété, avec une grande complicité et pour la première fois en public, une dizaine de morceaux créés par Peterson. Ces derniers, principalement ressortis de l’album Canadian Suite, dont Place Saint Henri et Laurentide Waltz, ont apporté un clin d’œil discret au passé d’Oscar Peterson, ainsi qu’aux liens que peut avoir Bolduc avec ce grand jazzman, et à la fierté qu’a Montréal de l’avoir vu naître dans ses quartiers.

La présence du saxophone, qui reste un instrument traditionnel du Jazz, n’a rien enlevé aux compositions initiales du pianiste. Bien au contraire ! Les arrangements de Rémi Bolbuc se sont nécessairement libérés davantage de la partition initiale grâce à cette contrainte. Il a ainsi pu monter sur les épaules d’Oscar Peterson sans crainte d’imitation ou d’une plate interprétation, et a ainsi su s’approprier son univers en le transformant avec justesse par son jeu et son instrument.

Le quartet, sous la direction du saxophoniste, donnait également l’impression de se sentir de plus en plus libre au fur et à mesure que le concert avançait. Les musiciens semblaient se livrer de plus en plus entièrement à leur propre interprétation.

Les spectateurs, qui semblaient eux aussi rentrer de mieux en mieux dans la musique à mesure que le concert avançait, ont très bien accueilli le quartet. Il faut dire que ceux-ci paraissaient conquis avant même l’entrée sur scène des quatre musiciens. La salle et ses occupants leurs ont fait partager leurs émotions en installant une ambiance chaleureuse nourrie par des applaudissement répétés, notamment autour du jeu de Rémi Bolduc.

Le rappel traditionnel à permis à cet ensemble jazz de finir, comme il se doit, par une petite note de gaîté avec une des mélodies emblématiques du pianiste montréalais. Rémi Bolduc s’est ensuite proposé de discuter avec son public hors de la salle de concert, avec une simplicité et une humilité très appréciable.

En continuité à cet hommage rendu à Oscar Peterson, nous aimerions beaucoup voir le quartet jouer sur les lieux mêmes de son enfance, dans les rues de Saint-Henri. Un geste, envers ce quartier qui n’a pas eu la chance de suivre la même ascension que le grand pianiste qu’il a vu grandir, ainsi qu’en hommage au père de famille. En effet, il est beau de se rappeler que le père d’Oscar Peterson a eu un grand rôle dans la carrière de son fils, ainsi que dans celle de chacun de ses enfants. Ce père de famille, travailleur aux chemin de fer, a encouragé ses enfants à se concentrer passionnément et entièrement à la musique, pour qu’ils aient chacun une chance de sortir de la misère de leurs conditions sociales. La musique comme voie de sortie de la pauvreté dans laquelle ils étaient enfermés : une belle leçon qu’il serait beau de diffuser afin d’encourager les jeunes, ainsi que nous mêmes, dans la création comme échappatoire à la fatalité.

En attendant la possible réalisation de nos petites espérances, Rémi Bolduc a laissé entendre, de son côté, la possibilité d’un projet d’enregistrement de ses arrangements qui pourront vous donner à tous l’occasion de découvrir à votre tour, et sans passer par mes mots, l’interprétation du quartet! ~ The Art & Opera Review, by Raphaelle Occhietti, Octobre 18, 2015