
Sorti en janvier 2018
Les musiciens
Rémi Bolduc – saxophone alto
P.J. Perry – saxophone alto
Phil Dwyer – saxophone ténor
Kirk MacDonald – saxophone ténor
Kelly Jefferson – saxophone ténor
Fraser Hollins – basse
Dave Laing – batterie
Label: Art and Soul Productions.
Critique
“Le saxophoniste Rémi Bolduc est malin, dans le sens le plus intelligent, et non diabolique, du terme. Il est également appliqué. Très appliqué même. Toujours est-il qu’il est en train de se singulariser, de se distinguer ainsi : il construit patiemment et avec constance ce qu’il faut bien nommer une oeuvre. On précisera même, en ces temps de confusion esthétique, une oeuvre de jazz.
Après avoir dialogué avec un grand maître du piano en la personne de Kenny Werner. Après avoir conversé avec le saxophoniste Jerry Bergonzi, reconnu aussi comme un immense professeur de la New England Conservatory of Music. Après avoir signé des hommages des plus suaves à Oscar Peterson, Dave Brubeck et Paul Desmond. Après avoir salué, on s’en doute, la mémoire de Charlie Parker, voilà qu’aujourd’hui Rémi Bolduc se signale avec force avec la publication de Live at The Yardbird Suite, paru sur l’étiquette Les Productions Art and Soul.
Ce qui frappe d’emblée avec cet enregistrement réalisé à Edmonton dans un club administré, c’est à retenir, par l’Edmonton Jazz Society, c’est l’architecture musicale. Notre homme s’est entouré de ses fidèles et très efficaces collègues Dave Laing à la batterie et Fraser Hollins à la contrebasse, puis il a invité quatre autres saxophonistes évoluant dans diverses villes du Canada. Soit le vétéran PJ Perry à l’alto, puis Phil Dwyer, Kelly Jefferson et le formidable Kirk MacDonald aux ténors. À noter : l’absence de piano. En d’autres mots, le coefficient de difficulté auquel étaient confrontés Bolduc et Dwyer, ce dernier pour deux pièces, pour tout ce qui a trait aux arrangements, se confondait avec costaud.
Dans l’histoire du jazz, ce type de formation est extrêmement rare. De mémoire, on a retenu le Saxophone Choir d’Odean Pope et les aventures menées par David Murray et Henry Threadgill pour l’extraordinaire étiquette italienne Soul Note/Black Saint. Le World Saxophone Quartet ? Comme son nom l’indique, il n’y a pas de formation rythmique.L’architecture musicale mise à part, cet album vaut son pesant d’or maya pour son programme : quatre pièces enregistrées ont été écrites par Bolduc, une par Perry, une par Dwyer et une par MacDonald. On insiste : le professeur à la Schulich School of Music de McGill a opté pour des compositions originales.
La facture du disque ? La présence de cinq saxophonistes sur sept exécutants imprime sur l’ensemble des pièces tout ce qui fonde le virevoltant. C’est dynamique et étincelant. Le jeu respectif de ces messieurs est synonyme de captivant. Pas hypnotisant, mais bien prenant, séduisant. Parfois, c’est même décapant.
Probablement que tout cela tient à ceci : Bolduc a choisi de ne pas décliner toutes les pièces à coups de cinq solos de saxo à tous les coups. Peut-être devrait-on préciser que le jeu d’ensemble, les arrangements, nous a fait penser à quelque chose, on ne sait comment le nommer, se situant entre la moyenne formation de Gil Evans et le big band de Thad Jones et Mel Lewis. Une chose est certaine : Rémi Bolduc poursuit une sacrée trajectoire. Chapeau ! ~ Par Serge Truffaut 27 janvier 2018